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On me dit (mais qui croire ?) qu’une petite présentation ne nuirait pas à mon travail. J’ai tendance à penser qu’un texte doit tenir tout seul ou tomber dans l’oubli, mais « on » fait alors la moue dubitative de ceux à qui on ne la fait pas, et comme d’habitude, je cède.

Laissez-moi donc vous présenter en trois minutes Bonne nouvelle – ding, un drôle d’objet à ranger, s’il le faut, dans la catégorie des livres d’artistes. Pour m’aider, je vais reprendre ce que j’ai tenté d’expliquer aux amis qui en ont reçu une copie.
D’abord, c’est une lettre. Et une nouvelle. Et aussi un scénario. Enfin, c’est une nouvelle en forme de scénario cachée dans une lettre, un peu comme les poupées russes ou les œufs-surprises (plutôt un Fabergé qu’un Kinder, j’espère).
L’auteur de la lettre raconte à un ami – peut-être un mentor – une nouvelle qu’il a lue il y a longtemps, en Argentine. (Vous me suivez ?) Comme l’auteur vient d’avoir un enfant, cet ami, ce mentor, l’a pressé d’écrire une bonne nouvelle sur cette bonne nouvelle, mais à la place, il raconte une histoire de gauchos, où il est question d’accouchement, de puits, de coq, de gisement de gaz et d’omelette aux champignons hallucinogènes.
De là l’effort de calligraphie. Conçu et réalisé à la machine à écrire, le texte prend la forme d’un puits où l’on tombe. Au fil de la chute, des calligrammes apparaissent comme des visions : champignon, profil d’homme, puits d’extraction de gaz, coq en majesté pondant un œuf en vol… Arrivé au fond du puits, on en sort, comme une naissance. L’histoire est la traversée d’un puits, comme un labyrinthe, et chacun sait qui habite le labyrinthe.

Les dix-sept lettres en rouge de la première page, qui composent le titre Bonne nouvelle – ding, se dispersent en molécules alphabétiques dans chaque calligramme pour se réunir enfin à la dernière page en un nouvel anagramme.
(Êtes-vous toujours là ?)

Ces particules matérialisent tour à tour la substance toxique sur le chapeau d’un champignon, le poison dans le cerveau d’un homme, des particules de gaz dans un puits d’extraction, et des cellules primordiales dans un œuf, peut-être des brins d’ADN. Je vous laisse découvrir l’anagramme final.
Tapé avec une Olivetti lettera 32 (ding !) sur du papier 60g recto-verso, le texte n’existe pas autrement – des tirages limités sont disponibles en attendant (qui sait) un éditeur.

Sur ce blog, je présente les scans des pages les uns sous les autres, comme un rotulus (à scroller) de six mètres de long, ou de haut, pour figurer le puits dont il est question.
L’ensemble est le résultat d’un travail patient pour disposer le chariot à la bonne place, changer de couleur et recommencer autant de fois qu’il reste d’erreurs de frappe (qui subsistent néanmoins, parce qu’il faut toujours abandonner pour être).
Bien sûr, je dois citer Jorge Luis Borges comme inspiration pour les labyrinthes et les gauchos, mais j’ajoute ici Fabienne Verdier dont les réflexions sur sa pratique de la calligraphie m’ont beaucoup touché. Écrire, pour moi, ce n’est pas seulement penser et dire, c’est aussi faire, fabriquer. Ce travail est en quelque sorte une manière de le montrer. Mais on aura beau dire (et faire des moues dubitatives), le texte, s’il ne tient pas tout seul, s’il ne parle à personne, s’il ne résiste pas à la vanité, doit tomber dans l’oubli.
Hervé Gasser, le 19 mai 2021
(Vous êtes presque au bout, merci !)
P.S. N’hésitez pas à laisser un commentaire ou à m’envoyer un message herve.gasser@laposte.net. Bonne nouvelle – ding, c’est par ici.